DE L'AUTORITE PARENTALE À L'AUTORITE NUMERIQUE
Imaginez une scène où un parent viendrait dans la chambre de son enfant (petit ou adolescent), disons pour la 6ème fois, afin de lui demander, de lui ordonner même, d’arrêter son écran. L’enfant répondrait alors « oui, encore 1 minute, il faut que je termine et que je sauvegarde ». Alors le parent, excédé, se mettrait à hurler « ça fait 6 fois que je te demande d’arrêter ! Mais enfin qui commande ici, qui commande dans cette maison ? » et là, nous verrions comme une main sortir de l’écran pour dire « c’est moi!! ». une scène surréaliste ? Pas tant que cela.
A la maison, les parents sont les garants des règles pour l’éducation, la sécurité et le bien être de leur enfant. C’est de cette manière que l’enfant grandit, sous le regard protecteur de sa mère, de son père. Il comprend et apprend vite que les règles sont là pour le tenir du bon côté en toute sécurité. Et que leur non respect entraîne des conséquences désagréables. C’est de cette manière et sur ces bases qu’il obéit à ses parents.
Sur les écrans, il y a aussi des règles mais bien différentes. Et il faut bien le dire, tellement plus séduisantes pour l’enfant ! Elles disent en gros « Amuses toi ! Beaucoup ! Le plus longtemps possible! Et si tu veux que ça dure encore et pouvoir revenir, n’oublies pas de sauvegarder ta place ». Vous pensez bien qu’avec de telles injonctions, aucun enfant ne veut renoncer au plus gros et grand parc d’attraction qui n’ait jamais existé ! Comment le parent peut-il défier l’écran avec sa proposition de venir pour se brosser les dents ou de venir manger, de faire ses devoirs etc. La seule chose qui compte pour l’enfant (ou pour l’adolescent bien sûr) est de ne pas perdre sa place dans le monde magique. Celui où les couleurs et les sons sont infinis, tout comme la vie. On ne meurt jamais dans le monde numérique ou sinon on revit encore et encore. Pour preuve, les données sont à jamais enregistrées sur les réseaux sociaux, on nous le répète suffisamment. Notre existence sur les écrans est éternelle, nos identités peuvent être multiples, cachées, modifiées, embellies. Et aussi, le corps ne nous est plus nécessaire. A quoi bon aller prendre une douche, se brosser les dents, faire du sport ?
Les parents ont de plus en plus de mal à faire le poids avec leurs sages conseils sur la santé et l’école. Sociologiquement, ce qui se passe aujourd’hui est totalement inédit. C’est la première fois que nos enfants connaissent un monde, une vie dont, nous parents ,nous ne transmettons ni le langage, ni le comportement, ni les codes, ni l’utilisation. Nous tentons de faire de notre mieux en leur faisant prendre conscience de l’envers du décors, de la dangerosité de l’excès etc. mais ils nous contrent en nous rétorquons qu’ils connaissent très bien le fonctionnement de tout cela et qu’au contraire, c’est nous qui n’y connaissons rien! Et quelque part, ils ont raison! Ce sont bien nos jeunes qui ont les codes et qui savent nous dépanner quand nous sommes numériquement bloqués.
C’est sans doute à cette intersection là que l’autorité parentale est aussi remise en question par l’autorité numérique. Et que l’enfant, fort de son armure digitale, prend le pouvoir et s’oppose sans plus aucune limite à son parent, faisant fi du respect, des règles de la maison. Parce que lui et l’écran, c’est désormais pareil. Il défend alors son territoire, l’écran, et il entre en guerre contre le territoire familial. Deux camps désormais s’opposent et se font la guerre. L’enjeu est de savoir qui va « récupérer l’enfant » : les parents ou les écrans ?
Les parents doivent absolument garder confiance en leur autorité parentale et tenir leur position de protecteur auprès de leur enfant, même si parfois il serait plus facile de démissionner. Une chose est certaine, nos enfants aiment la vie. A nous de continuer de leur transmettre (afin de contrebalancer la « magie » de la technologie numérique), sa beauté, sa richesse, son infinité malgré sa finitude. A nous de transmettre à nos enfants de la réalité pour qu’elle devienne leur monde de référence.