NOEL DIGITAL

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S’il est une fête qui réunit les petits et les grands depuis toujours, c’est bien celle de Noël. Dans un décor aux lumières merveilleuses, nos yeux clignotent et s’enchantent. Des odeurs d’orange épicée, de marrons chauds, des saveurs chocolatées vient régaler nos palais. Des chants doux réveillent nos oreilles de souvenirs des noëls heureux passés, des feux de cheminée viennent danser et nous caresser la peau. Et pour parfaire ces douceurs sensorielles, l’excitation des cadeaux à offrir, recevoir, emballer, déballer. Tout cela s’appelle la magie de Noël !

Dans cette magie de Noël, le scénario est très ritualisé. Pour les enfants - et les parents ne sont pas en reste - la fête commence avec l’arrivée des catalogues éditées par les enseignes à cette occasion. Armées de ciseaux et de gros feutres de couleurs, les petites mains se jettent sur les pages remplis de peluches, poupées, figurines, jeux de société, de construction, de vélos, trottinettes…la liste est longue, très longue, et se mettent à découper et entourer frénétiquement tout ce qui vient chatouiller leurs envies, c’est à dire beaucoup de choses ! Le rêve est en place, « avoir, posséder », des jouets à l’infini, à perte de vue mais à portée de stylo. La fameuse lettre au père Noël est prête à l’envoi ; postée dans les célèbres boites jaunes de nos postes. Les enfants fébriles commencent leurs comptes à rebours pour se tenir à carreaux et ne pas prendre le risque de perdre multiples cadeaux collés et écrits sur la très longue liste décorée de dessins et de couleurs.

Puis le calendrier de l’avent fait son entrée ; une case un chocolat, un playmobil ou un légo, un sachet de thé pour les plus grands, une canette de bière… à chaque jour son idée et son petit plaisir.

Arrive enfin sur les marchés, les trottoirs de commerçants, un des roi de la fête : le sapin. De toutes tailles et souvent de différentes couleurs mêmes si le vert et le blanc gardent l’avantage. Ils trouvent leurs places dans nos salons. Prêts à se faire saucissonner par des enfants hystériques, des fratries prêtes à s’entretuer pour être celui qui mettra l’étoile en haut du sapin. Dans quelques familles, la tradition de faire de ce jour de décoration du roi des forêts une fête existe encore. On fait alors en famille des gâteaux secs avec des emporte pièces étoile, sapin et on les déguste tous ensemble sur fond de musiques de noël, appelées aujourd’hui « playlist de Noël ». On garde quelque uns de ces bons biscuits que l’on enferme précieusement dans de jolies boites ou que l’on emballe dans des petits sachets pour les offrir à ses proches.

C’est le moment aussi de regarder de jolis dessins animés de Noël, des Disneys de moins en moins…des Pixars de plus en plus. La mode est aussi les films de Noël, ces comédies romantiques, bêtes à souhait mais délicieuses comme on aime, que l’on revendique de regarder en toute légitimité parce que c’est noël.

Arrive enfin le D Day ! La maisonnée s’agite dans tous les sens, car Noël c’est aussi la fête de nos estomacs. Alors on établit des listes, on part faire des courses, on achète, on cuisine, on dresse une jolie table dorée ou argentée. Ça brille, ça claque, c’est magique ! Les carottes pour les rennes sont prêtes, le verre de lait pour désaltérer le père Noel aussi. Les chaussons ont quitté les petits pieds pour se retrouver au pied du sapin.

Les enfants n’en peuvent plus d’attendre, ils sont déchainés ; les parents n’en peuvent plus des enfants qui n’en peuvent plus d’attendre.

Pour certains le 24 au soir, pour d’autres le 25 au tout petit matin, la libération arrive enfin pour tous : ouvrir les paquets cadeaux. Les papiers sont déchirés, les yeux brillent de mille vœux et feux, les cris de joie, des hurlements de bonheurs. Et encore un paquet et encore et encore un ! Les nerfs vont pouvoir retomber, les esprits sont satisfaits d’une fête qui s’est bien passée et qui est passée.

Qu’en est-il depuis que le digital est entré dans nos vies, nos maisons et nos désirs ? Peut-on parler d’une mutation de cette tradition de noël ? Il me semble que la question se pose plutôt ainsi : La magie de Noël vs la magie du digital ?

Le Digital est entré dans nos vies telle une lampe d’Aladin : magique et prêt à exaucer tous nos vœux. Dans l’immédiateté, par un clic. C’est Noël tous les jours. La magie n’est plus de Noël. D’exceptionnelle, elle est devenue quotidienne. Nous pouvons chaque jour rêver, être transporté dans des univers extraordinaires. Les applications multiples et toutes plus fantastiques les unes que les autres offrent des univers et des possibilités oniriques, incroyables et sans limite. De là à dire que le père Noël peut aller se rhabiller, il n’y a qu’un pas.

Les yeux de nos enfants brillent chaque jour devant les images pixelisées des écrans. Le sapin c’est chouette mais bon voilà, ça ne brille pas autant qu’un écran. A toutes les couleurs des guirlandes, la plus belle est devenue la lumière bleue des écrans. Bien sûr, c’est toujours agréable et joli d’avoir le sapin au milieu du salon. Mais fait-il toujours autant rêver nos enfants avec ses boules et ses guirlandes ? Pas sûr…

Quant au père noël, créé pour un être un personnage extraordinaire au pouvoir magique avec ses cadeaux, il semble être devenu bien ordinaire aux côtés des héros et des avatars de jeux en ligne qui courent jours et nuits, durant 365 jours sur nos écrans ? Qu’a-t-il finalement d’exceptionnel cet homme habillé de rouge ?

Il apporte des jouets aux enfants ! Oui mais voilà, les enfants ne veulent plus de jouets aujourd’hui. Ils veulent du numérique ; des consoles de jeux, des écrans, des jeux pour les consoles, des jeux à télécharger. Le numérique est devenu le cadeau magique, celui pour lequel l’enfant est prêt à sacrifier trois-quatre cadeaux sous le sapin pour un seul, gros et cher. Echanger plusieurs paquets au pied du sapin pour un seul tant qu’il est numérique. Il est prêt à renoncer à la tradition de déballer des paquets, d’arracher le papier pour avoir le bonheur d’appuyer sur un bouton est de télécharger le(s) jeu(x) payés en ligne par les parents.

Recevoir un téléphone, un ordinateur, une montre connectée, voilà un vrai cadeau d’un Noël magique aujourd’hui. C’est un peu comme recevoir une télécommande à rêves. Celle qui va permettre à l’enfant de tout faire, de tout contrôler et surtout de s’évader d’une réalité limitante.

La dématérialisation de Noël au sens traditionnel est en marche. Dans les toutes prochaines années, le Père Noel va devoir redoubler d’effort pour continuer à séduire sans passer pour un vieux « chnock has been », avec son vie attelage de rennes et ses lutins besogneux. La relève est déjà prête et quotidienne et elle s’appelle… Big Mother !

Karine de Leusse Schirtzinger