QUAND L'AUTORITE PARENTALE EST REMISE EN QUESTION PAR LE PARENT ECRAN

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Je souhaite partager ma réflexion sur un réel problème que rencontrent les parents d’enfants écrans, ou devrais-je dire du réel problème : la perte de l’autorité parentale. Nous connaissons tous cette phrase : « non mais qui commande dans cette maison ? » avec la réponse évidente du parent qui répondrait à sa propre question : « c’est moi, je suis ton parent et c’est à moi de te donner les règles pour ta sécurité et ton bien être »


Sauf que maintenant, aujourd’hui, ce n’est pas cette réponse là qui clôt le débat ou le conflit. Imaginez un écran qui lèverais le doigt, l’air de rien mais affirmé et sur de lui malgré tout, et qui répondrait avec un sourire gentil et provocateur : c’est moi !! ben c’est moi qui commande ici!


Il y a avait le concept de l’enfant roi mais nous n’avions jamais pensé qu’il y aurait également celui de l’écran roi. Et plus qu’un concept, c’est désormais une réalité. Et entre les deux, je veux dire entre les parents qui ne commandent plus et les écrans rois, se tiennent nos enfants, fidèles et loyaux serviteurs de leurs écrans qui leur laissent croire qu’ils sont devenus les maitres à la maison. Que la règle est de jouer comme on veut tant qu’on veut, à quoi on veut, de parler à n’importe qui, de n’importe quoi, de faire n’importe quoi. Terminé l’heure de la douche ou du bain, celle du diner! C’est quand l’enfant veut! Terminé le temps consacré aux devoirs, d’abord l’important est de terminer sa partie. Se réveiller et venir faire un câlin à ses parents pour les plus jeunes ? C’est avec l’écran maintenant que l’on se réveille, tout comme avec l’écran que l’on se couche. Et je ne parle pas seulement des enfants. Les grands aussi se réveillent par la sonnerie du réveil du téléphone, consultent leurs messages, notifications, en bref tout ce qui s’est passé durant leur sommeil, tout ce qu’ils ont loupé. Comme s’il ne fallait rien louper et pourtant on loupe toujours des infinités de choses, c’est cela la vie. On ne peut pas être au four et au moulin comme disaient nos ancêtres. Je reviendrai lors d’un prochain article sur ce sujet qui ne manque pas d’intérêt, celui de commencer et de terminer nos journées avec les écrans.


Je reviens à la problématique de l’autorité parentale. Nous avons donc un écran qui mène nos enfants par le bout du nez, un nez qui s’allonge par les mensonges de : » j’éteins dans cinq minutes » , cinq minutes transformées en une heure. Ou : « non, je n’ai pas fait d’écrans aujourd’hui », « non, je ne joue pas à ce jeu que tu m’as interdit ». Un nez qui s’allonge quand le contrôle parental installé est craqué en moins de deux, tous savent aujourd’hui le contourner, tous savent bidouiller les historiques, tous savent trouver les mots de passe et même les codes de carte bancaire pour faire des achats en ligne de jeux, de points de robux etc. Nos enfants ne manquent pas d’imagination, j’ai même entendu un parent me racontant que durant qu’il dormait, son fils avait pris son téléphone. Et pour déverrouiller l’écran, il s’était emparé du doigt de son père endormi pour l’empreinte digitale qui allait déverrouiller le téléphone.


Au delà de l’aspect ludique, récréatif et communicatif des écrans, ces derniers ont bien des règles qu’ils dictent aux utilisateurs. Comme ça, l’air de rien :

- Tu peux jouer mais si tu ne restes pas jusqu’à sauvegarder, tu perds tout

  • Si tu veux tout savoir, regardes ton portable à chaque notification, sinon, tu perds des informations
  • Tu dois resté connecté tout le temps

-   Si tu veux voir tes amis, tu dois jouer en réseau,

- Si tu veux avoir une belle image de toi, tu dois poster, être instagramable et avoir beaucoup de like

- Si tu veux beaucoup de like, tu dois beaucoup poster

- Si tu veux beaucoup exister, être vu, être liké, aimé, tu dois resté connecté

  • Si tu veux être le meilleur aux jeux, ou être le meilleur de la partie, tu dois jouer encore et encore et encore
  • Etc.


Et si vous parents, vous vous interposez à cela, vous ne serez au minimum pas écouté et sinon, contourné, insulté même, frappé aussi ! Car oui, cela arrive… les enfants hors d’eux, comme possédés, qui ne veulent qu’une seule chose : leurs écrans. Vous serez menacé aussi de  : « je n’irais plus en cours ». J’ai même entendu plusieurs fois : «  je sauterai par la fenêtre si tu ne me rends pas mon téléphone, ma console. » Des enfants terroristes et pour le coup, des parents terrorisés. Qui commencent à trembler pour la vie de leur enfant, pour leur scolarité aussi. Qui veulent s’assurent que l’enfant ne fera pas un geste fatal et qu’il n’ira pas jusqu’à l’échec scolaire. Et voilà alors des parents qui s’inclinent devant leurs enfants et qui leur rendent leurs écrans. Par peur, par amour.


Les enfants sont guidés, dans leur démarche terroristes, par la peur de la perte. de perdre leurs écrans, de ce qu’ils y trouvent : un plaisir immédiat, un espace ludique, un monde où tout est possible, un lien permanent et fusionnel qui les rassure et les coupe des angoisses de la réalité, comme j’en parle dans l’article « bienvenue dans le pixel amniotique ». L’enfant est angoissé de la perte. C’est exactement la même angoisse que celle d’un enfant qui perd son doudou. Rien ne compte plus que de le retrouver. Rien n’est meilleur que de le retrouver.


Les écrans proposent à nos enfants un espace magique. Les parents, une réalité faites de petits et grands bonheurs mais aussi de contraintes, de règles et de limites. Se brosser les dents, se laver, aller en cours, faire des devoirs, dire bonjour au revoir merci etc…Le choix est vite fait quand le choix est laissé à l’enfant. C’est à ce moment là que les parents deviennent des emmerdeurs, des personnes pas drôles. Déjà que les enfants ont des visions un peu tristes d’être adulte, en écoutant les parents disant qu’ils ont beaucoup de travail, qu’ils sont fatigués, qui semblent avoir plein de contraintes, payer les factures, faire les courses etc. Les enfants n’ont décidément pas envie de ça, de faire des efforts. Ils veulent jouer, ils veulent jouer! « Laissez moi tranquille, je joue ! » Certains parents m’ont raconté avoir entendu leurs enfants leur dire « laissez moi vivre ma vie ». Leur vie, c’est sur écran. Les parents deviennent pour leurs des empêcheurs, des tristes personnes. Les camps se divisent. Quand les enfants rejetant contournent l’autorité parentale, c’est pour rejeter toute la part de contraintes, de limites, pour rester dans l’immédiat, dans l’éternel et l’internet.


J’aimerais aussi amener à votre attention et à votre réflexion le rapport aux affects pour les enfants écrans. Comme s’ils perdaient toute sensibilité. On remarque que les écrans coupent les enfants de leurs affects. En même temps, les écrans sont sans affects. Les enfants deviennent les enfants de leurs parents écrans. C’est aussi pour cela qu’on les appelle les enfants écrans. Comme s’ils étaient désormais plus les enfants des écrans que de leurs propres parents. Les parents pour certains sont devenus de simples intendants à la maison. Qui s’occupent du linge, des repas, de tout le coté sécurité et matériel. Le risque est que les relations entre les parents et les enfants s’appauvrissent, que les conflits viennent remplacer la tendresse.


Et enfin, je vais conclure cette analyse sur l’autorité parentale par le point de la transmission. Un parent est aussi celui qui transmet à son enfant. De l’amour, des limites, des codes, des histoires, des expériences, du savoir.


Les écrans sont venus se mettre entre les parents et les enfants pour cette affaire de transmission. Avant, lorsqu’on ne connaissait pas un mot, on demandait à son parent ce que ça voulait dire. Ou quand on entendait parler de quelque chose, on demandait à son parent une explication, comment ça marche. Aujourd’hui, on demande à Google. « Dis google ! « Plutôt que : « dis moi papa ou pourquoi maman ? »


La fonction audio des intelligences artificielles permet de poser tout plein de questions et de se renseigner sur tout. Plus besoin d’emmener les enfants voir telle oeuvre dans un musée ou écouter un concert pour faire découvrir la musique etc. Tout est accessible depuis la chambre sur son écran. L’écran montre plus et sait plus qu’un parent.

Pour apprendre, plus besoin de demander aux parents, les vidéos, les tutoriels sont devenus en plus des parents des professeurs extraordinaires.

Plus besoin non plus d’échanger avec les parents pour dire quels sont les devoirs à venir, tout est noté sur Pronote. Les enfants n’ont plus la joie ou l’inquiétude de rentrer à la maison pour annoncer à leurs parents leurs notes à leurs contrôles, Pronote s’en est déjà chargé. Ainsi la communication s’en va, même autour de ces sujets qui sont pourtant les sujets du quotidien et du toit familial.


Maintenant quelques petits conseils pour ceux qui désirent maintenir ou retrouver leur position de parent :


- Je reviens sur la communication au sujet de la scolarité. Il est important de discuter avec son enfant de ses notes et de ses devoirs, de lui poser des questions, de lui demander s’il a eu des notes à ses évaluations plutôt que de lui dire que vous les avez déjà vu sur Pronote. Ne laissez pas les écrans faire l’intermédiaire!  


- Permettre à son enfant l’utilisation des écrans , oui mais toujours avec un contrat qui fixe les limites. Et ce n’est pas l’enfant qui les fixe. Vous les préciser et l’enfant doit les respecter sinon, la conséquence est qu’il perd la possibilité d’utiliser son écran ou du temps d’écran. Le contrat doit être matérialisé. Vous pourrez d’ailleurs en trouver un pré établi, à remplir avec vos conditions, sur mon site cyberaddictologie.fr

Le contrat doit être imprimé, signé et affiché à la maison.


En fait, la base de tout , c’est cela. Un contrat clair et respecté. Il sera le garant de votre autorité parentale et de votre enfant en sécurité.


- Plus il y a d’écrans à la maison et plus l’autorité est difficile à maintenir. N’hésitez pas à en retirer. Le mieux est de les sortir de la maison. Les mettre quelques temps au bureau par exemple. Cela évitera à vos enfants de vous harceler pour que vous les leur rendiez. En limitant le nombre d’écrans à la maison, on limite aussi le nombre de conflits.


- Si vos ados contournent la coupure du wifi le soir ou la nuit et qu’ils utilisent alors leur forfait illimité internet sur leur téléphone, dans ce cas là, pensez alors à réduire leur forfait téléphone. Un forfait limité à 2 heures d’internet, ça ramène vite à la réalité !


- De la même façon, si votre adolescent a un téléphone super modèle mais qu’il ne respecte pas votre autorité, échanger lui pour un temps par un téléphone à touche et clapet. Le temps de lui montrer que c’est un privilège d’avoir à utiliser un beau téléphone et non un dû. C’est à votre adolescent de faire ses preuves de le mériter et bien l’utiliser et non le contraire : « mais qui commande dans cette maison, non mais!!!! »


- S’il y'a conflit autour des écrans, n’oubliez pas que les conséquences doivent être pour celui qui ne respecte pas les règles. Si votre adolescent ne respecte pas les règles, c’est lui qui se fera réprimander et non le contraire! Comprendre qu’il y a des conséquences à tout est le meilleur des apprentissages et des conseils pour une vie heureuse.


L’autorité parentale est aussi importante que l’amour que l’on donne à un enfant. L’un ne compense pas l’autre, l’un ne peut se substituer à l’autre. Les deux doivent être. Si vous rencontrez des difficultés, parce que soit même on a une histoire particulière avec ses parents et l’autorité ou pour de nombreuses raisons qui peuvent expliquer cela, je propose un accompagnement que j’ai intitulé Enfants écrans - Parents à cran. Un accompagnement quotidien à l’usage des parents, sur une durée de 15 jours ou un mois renouvelables. Car on sait  que retrouver son autorité parentale passe par un  bras de fer. Il faut tenir, avec endurance, sans découragement et avec la certitude que c’est exactement ce qu’il faut faire. Et si vous doutez, si vous faiblissez, je serais là pour vous accompagner dans cette bataille.