SILENCE ON TUE ! quand les adultes arment les jeunes et détournent le regard
La société est inquiète, je le suis aussi. Les adolescents issus de la génération numérique vont mal. Perdus dans un espace entre le réel et virtuel, les limites tant nécessaires à leur construction sont en train de se déliter pour un illimité en tout et de tout. Je ne rentrerai pas dans cet article, sur les conséquences évidentes et enfin connues des méfaits de l’hyper-connexion sur l’apprentissage, la lecture, l’orthographe ou la culture générale.
Malheureusement, passés sous silence ou ignorés, de nombreux autres effets négatifs générés par l’utilisation permanente du numérique existent.
Je n’aborde pas l’objet écran, mais le compagnon digital, le doudou ou greffon à la préférence de chacun.
Parler d’adolescence, c’est inévitablement aborder le sujet de la « crise d’adolescence ». Le passage et un« pas-sage » entre l’enfance et l’âge adulte.
En quelques mots : durant cette période, l’adolescent vase ré-approprier le « non », celui de sa petite enfance. Il lui permet de s’opposer à ses parents, pour signifier qu’il se positionne autrement que lorsqu’il était enfant. Ainsi, il devient un autre sans pour autant savoir qui il sera adulte.Pas facile durant l’adolescence de sortir du cocon douillet pour partir explorer l’extérieur et affronter la vie. Le« rejet » des parents et des habitudes familiales par le jeune futur adulte l’incite à préférer l’extérieur : « je sors, c’est trop nul à la maison » et de surinvestir les relations amicales ; on ne passe pas toute sa vie avec ses parents ! Alors, comme il faudra bien les quitter un jour, l’ado va mettre des distances pour amorcer la séparation inévitable.
Voilà en résumé le principe de la crise adolescente.
Qu’en est-il aujourd’hui de ce passage ? Les écrans sont venus s’installer à la maison, la parentalité a changé de camp. L’écran et l’adolescent sont devenus inséparables voir même indissociables. Avec le numérique, le grand enfant a découvert une possibilité d’illimité lui procurant un soulagement: la séparation tant redoutée peut être évitée. Il n’aura pas besoin de quitter la maison car tout pourra se faire depuis sa chambre. La preuve en est, même ses parents travaillent depuis leur salon ! Pas besoin de s’opposer avec ce parent écran car aucun changement ne lui sera demandé. En revanche, là où les choses se corsent, c’est du côté des parents, les vrais ! Qu’on se rassure, rien ne leur sera épargné des manifestations de la crise : les cris, insultes et oppositions sont toujours au programme de l’adolescence !
Seuls les motifs de confrontation ont changé : Le jeune ne souhaite plus sortir jusqu’à pas d’heure, il reste chez vous- jusqu’à pas d’heure également, pour jouer ! L’ado était toujours en vadrouille avec quelques copains , aujourd’hui il affiche des scores de centaines « d’amis » mais on ne lui en connait plus beaucoup de vrais. Ils sont essentiellement virtuels, ils partagent des moments en réseaux échangent, jouent, de jour comme nuit. La crise des adolescents contre les parents a changé de visage ;c’est une lutte constante pour mettre des limites aux dérives de l’hyperconnexion.
L’adolescence est une étape de construction cruciale dans la vie de l’individu. Ces quelques années lui ouvrent la porte sur le monde adulte, avec beaucoup de liberté et de possibilités mais aussi avec ses codes, ses règles, ses dangers et sa notion d’effort. Il n’est pas simple pour le futur jeune adulte de se projeter dans cette réalité et il lui est plus aisé de chercher à rêver et s’en échapper : les écrans tombent à point ! Les parents aujourd’hui redoutent plus de trouver leur ado connecté à 3 h du matin dans leur chambre, un câble à la main, que d’aller le récupérer en fin de soirée, émoussé par plusieurs bières. Non, les ados aujourd’hui ne prennent plus la poudre d’escampette, ils s’emmurent dans leur chambre et au mieux dans leur maison. Ils ne vont d’ailleurs plus en boite non plus, calfeutrés devant ou dans leur boitier numérique.
La crise d’adolescence, la bonne, celle qui est nécessaire à l’émancipation de l’enfant, ne prend plus la forme de fuite du foyer parental mais, par une sédentarisation de ses plaisirs, une limite spatiale réduite. Il reste enfant.Sont-ils des adultes en devenir ou des enfants à revenir ?Leur regard est plus porté sur leurs écrans que sur le monde. Comment seront-ils « équipés » pour évoluer dans la réalité ? Nous conviendrons qu’il y a de quoi se faire du souci pour cette génération plus intéressée parles codes wifi que les codes du monde réel. Ce désintérêt du réel s’accompagne un désinvestissement global ; aucun sujet, aucune situation nécessitant des efforts ne trouve grâce à leurs yeux :Flemme. Si cette notion de paresse est propre depuis toujours à cette période, elle apparait aujourd’hui prendre beaucoup d’ampleur. L’écran étant devenu notre télécommande de vie, tout est devenu possible et accessible dans l’immédiateté et la facilité. Pourquoi faire de efforts quand il y a des applications, des Google, Siri et Alexa pour tout ? La notion de travail perd de son sens. J’entends d’ailleurs beaucoup d’adolescents qui évoquent le projet de gagner de l’argent en faisant des tournois de jeu en ligne, en devenant « influenceurs ». Quand on les interroge sur plus tard, sur ce qu’ils aimeraient faire, nombreux sont ceux qui répondent qu’ils veulent être gamers professionnels. C’est à dire, en fait, rester dans leur chambre à jouer. D’autres ne savent pas, perdus dans les possibles entre l’espace réel et numérique. Ils n'ont pas mis le nez dehors ! Ont-ils seulement compris que derrière chaque service œuvraient des hommes et des femmes de « métiers » ; des cuisiniers, des imprimeurs, des charpentiers, des couturières... ?
Point positif néanmoins, certains jeunes excellents dans l’utilisation du numérique, savent l’utiliser avec intelligence et exploiter l’objet pour ses capacités en créant des projets de qualité et de talents. Ils ont parfaitement compris comment communiquer, diffuser de façon optimum. Ils savent comment faire pour que le virtuel vienne enrichir leur vie et non l’inverse quand la vie des individus vient désormais enrichir les datas numériques.En bref, ils ont tout compris du système digital et savent comment l’utiliser et le contourner à leur profit.
Je souhaitais souligner un phénomène très inquiétant quine cesse de nous surprendre chaque matin ; le nombre croissant d’actes violents chez nos jeunes. A la sortie du lycée, dans les cours d’école... Les jeux en ligne offrent des terrains imaginaires dans lesquels la majorité des adolescents se confrontent à des jeux d’une grande violence ; l’objectif est de tuer. Qui, quoi, comment, qu’importe ! Le but est de rester le seul. Ils sont nombreux et construits tous sur le même principe. Mais pour simples exemples Fortnite et GTA illustreront fort bien mon propos. Je ne peux pas ne pas faire le rapprochement avec ces dernières actualités de violences extrêmes dans les collèges où des jeunes se font battre presque à mort par d’autres jeunes ; hier matin, un gamin de 14 ans succombait sous les coups d’adolescents du même âge. Dans leur imaginaire, plus de limites, pas d’affects, pas de solidarité du groupe non plus, alors comment en trouver dans le réel ?
Les contenus que visionnent nos jeunes sur leurs téléphones en scrollant des heures durant sont eux aussi sans limites et creusent l’écart avec la réalité et ses repères qu’ils devraient avoir. Les réseaux sociaux, outils féroces entre les mains des grands enfants leur permettant d’exercer un pouvoir de juger et de discriminer par des « j’aime », « j’aime pas », des commentaires qui se propagent comme des trainées de poudre. On sait combien l’adolescent est fragile sur son image et son identité en construction. C’est un peu comme s’il était jeté dans la fosse aux lions avec des romains pour lever le pouce ou le baisser en signe de condamnation. D’ailleurs, c’est littéralement cela, puisque le pouce est l’icône utilisés ur les réseaux sociaux pour donner son avis. Quel outil de discrimination et de violence psychologique avons-nous mis entre les mains de nos jeunes ? La société entière est responsable de cette folie qui tue l’enfance et l’adolescence.
Les parents sont le socle de la construction des adultes en devenir. On sait à quel point le modèle est important et apporte à l’enfant des repères pour grandir et devenir adulte. Petit, c’est par mimétisme qu’il apprend à tenir sa fourchette, à marcher, qu’il acquiert le langage, l’intonation. L’exemplarité de l’adulte dans son rapport au numérique est aujourd'hui indispensable. D’ailleurs, si l’on veut être honnête, plus qu’un problème de dépendance aux écrans des adolescents, c’est un problème de parentalité que nous rencontrons. Ce sont les parents qui ont découvert le pouvoir des écrans et la société aujourd’hui qui les oblige à rester connectés par toutes démarches administratives, professionnelles, scolaires, médicales etc. Les enfants et jeune adultes ont toujours vécu avec un parent équipé au moins d’un écran. Souvent plusieurs. Le mimétisme a fait la suite et crée la problématique des écrans chez les adolescents.
Les parents, les grands parents, les citoyens.. un écran à portée de main, crient à la jeune génération « assez, assez, stop ça suffit ! » et l’industrie du numérique, elle, hurle « encore, encore, connectes toi » avec toutes les applications de tout et pour tout, avec pronote etc. Difficile pour un adolescent, dans les questionnements et doutes propres à son âge, de s’y retrouver dans une telle hypocrisie et dissonance ; musique inaudible. C’est une génération qu’on assassine...